Analyse de A. Nikwigize : Burundi face à l’urgence des réformes après la suspension du FMI

« Le Gouvernement du Burundi doit engager, d’urgence, des réformes macroéconomiques et structurelles profondes pour restaurer la stabilité financière et relancer la croissance économique ».

 

C’est ce qui ressort du Communiqué du FMI, du 15 avril 2025, à l’issue d’une Mission au Burundi, du 17 au 28 mars 2025, dans le cadre des consultations annuelles, au titre de l’article IV. Cette mission intervient deux mois après que, le 18 janvier 2025, le FMI ait décidé de suspendre l’Accord de Stabilisation, convenu avec le Burundi, en juillet 2023.

 

Cette Mission intervient, enfin, quelques jours avant les Réunions de Printemps de la BM et du FMI, qui se tiennent à Washington DC, du 21 au 26 avril 2025.

 

  1. L’Accord de Stabilisation de juillet 2023 suspendu

 

Le 18 janvier 2025, le FMI a décidé de suspendre l’Accord de Stabilisation, conclu en juillet 2023, pour 38 mois, avec un prêt de 271 millions de $US, dont une première tranche de 62,6 millions de $US avait été déboursée. Cette mesure de suspension faisait suite à l’incapacité du Gouvernement de mettre en oeuvre les mesures convenues, en particulier, celle d’ajuster la valeur du FBU au taux du marché parallèle.

 

Le Président Evariste NDAYISHIMIYE aurait refusé de prendre cette mesure, la jugeant inacceptable, en raison de son impact potentiellement dévastateur sur une inflation déjà galopante, qui se situait, en décembre 2024, à 36%. Les conséquences de cette suspension ont été immenses: suspension du solde du prêt du FMI, suspension de l’aide budgétaire de la Banque Mondiale et d’autres partenaires, qui liaient leur aide à la bonne exécution du programme avec le FMI.

 

  1. Une Situation Économique et Financière Préoccupante

 

En avril 2025, la situation économique et financière du Burundi est préoccupante :

– Une croissance du PIB de 3,5%, presqu’entièrement absorbée par la croissance démographique de 3,0%, conduisant à l’exacerbation de la pauvreté et l’insécurité alimentaire ;

 

– Une forte inflation de plus de 40%, découlant de la faiblesse de la production agricole, conduisant à la rareté et la chereté des produits alimentaires; la mauvaise politique monétaire, du fait des déficits budgétaires, dus aux dépenses de l’Etat, financées par le recours à la dette intérieure; le manque de devises, ayant un impact sur les importations, dont le carburant ;

 

– De faibles recettes d’exportations, qui couvrent, à peine, 12% des besoins d’importations, avec des d’exportations de café et d’autres produits qui ont fortement baissé, et des exploitations minières dont les exportations ne profitent pas encore au Trésor Public ;

 

– Une monnaie nationale qui se déprécie, au jour le jour, avec un différentiel de change, de 1$=2.900 FBU, sur le marché officiel, comparé au taux de 1$=7.500 FBU sur le marché parallèle ;

 

– Une crise de carburant, par manque de devises et de mauvaise gestion du secteur, avec toutes les conséquences sur les prix de transport, les prix des denrées importées et locales, et le fonctionnement des services administratifs;

 

– une crise alimentaire et humanitaire oubliée, crise qui s’aggrave avec la crise en RDC, avec de nouveaux drames humanitaires.

 

  1. Relance des Consultations avec le FMI pour un nouvel Accord.

En marge des Réunions de Printemps de la BM et du FMI, qui se tiennent, du 21 au 26 avril, à Washington DC, la délégation burundaise, conduite par le Ministre des Finances, compte relancer les consultations avec le FMI, en vue d’un nouvel Accord de Stabilisation, qui permettrait au Burundi, non seulement, de bénéficier d’un nouveau prêt du FMI, mais aussi de relancer l’aide publique et financer le développement.

 

Le Gouvernement est-il prêt, cette fois-ci, à reprendre la médication du FMI ? Dans notre message du 11 Octobre 2023, nous avions annoncé que la médication du FMI sera dure à avaler, tellement le mal était profond, et nécessitait des remèdes de choc. Aujourd’hui, la crise s’est approfondie et la médication sera certainement plus dure à avaler.

 

 

Analyse économique réalisée par André Nikwigize