Analyse – Après les urnes, le silence… ou le poids des non-dits

Les élections législatives viennent de s’achever au Burundi dans une atmosphère feutrée mais lourde de symboles. Sans réelle surprise, la Cour constitutionnelle a entériné la victoire écrasante du parti au pouvoir, le CNDD FDD.

 

Un verdict sans appel, qui a balayé d’un revers de maillet — littéralement — les recours déposés par une opposition qui, pourtant, n’a eu de cesse de dénoncer des irrégularités manifestes.

 

L’image est forte : ce coup sec, presque cérémoniel, frappé par le président de la Cour. Un bruit de marteau à la résonance judiciaire, mais aussi politique, qui a dû retentir douloureusement dans les rangs d’une opposition qualifiée parfois ironiquement de Bipinga. Pourtant, la scène semblait jouée d’avance. Le rideau est tombé sans rebondissement.

 

Mais la question reste en suspens : qu’auraient dit les urnes, si elles pouvaient parler ?

 

Ces boîtes de plastique transparent, prétendument neutres et incorruptibles, sont devenues au fil des scrutins les confidentes muettes du peuple burundais. Elles ont recueilli, dans le silence et la patience, les frustrations comme les espoirs des électeurs. Certaines, chahutées, malmenées, transportées dans des conditions discutables, ont même été témoins de scènes troublantes. Des récits évoquent des trajets nocturnes, des manipulations discrètes, voire des intrusions peu orthodoxes avant ou après le scrutin.

 

Le doute persiste, relayé non seulement par les partis d’opposition mais aussi par des institutions au-delà du soupçon, comme la Conférence des Évêques catholiques du Burundi. Leurs observateurs, dans une missive à forte tonalité morale, ont dressé un tableau pour le moins préoccupant de ce « renouvellement des élites » par les urnes.

 

Selon Abbas Mbazumutima, dans les colonnes du journal Iwacu Burundi, si ces urnes pouvaient s’exprimer, elles livreraient sans doute des confidences troublantes sur ce qu’elles ont vu — ou subi — lors de ces fameuses « noces démocratiques ». Car c’est bien d’un mariage politique qu’il s’agissait, dont le grand banquet s’est tenu à huis clos, entre initiés, avec des invités triés sur le volet. Les autres ? Écartés, ignorés, parfois même refoulés, comme des gêneurs dans une fête déjà bien organisée.

 

Et pour les exclus ? Quelques promesses. Des strapontins. Des mots consolateurs glissés au détour d’un discours du Chef de l’État, qui assure qu’« il y a une vie au-delà des postes politiques ». Un message de réassurance, certes, mais qui ne dissipe pas le malaise.

 

Pour la seconde fois depuis sa réélection, le président burundais, surnommé Sebarundi, a insisté : personne ne sera oublié. Mais dans un pays où la victoire est sans partage, où l’alternance semble toujours plus lointaine, la promesse a du mal à résonner pleinement.

Et pendant ce temps, les urnes se taisent. Elles n’ont pas de voix. Ou peut-être n’ont-elles plus le droit de parler.