Choléra : quand l’État prêche l’hygiène sans offrir d’eau

À Bujumbura comme dans les provinces voisines, le choléra refait surface, mettant à nu les faiblesses structurelles dans l’accès à l’eau potable et l’assainissement. Hôpitaux saturés, égouts bouchés, bornes-fontaines à sec, habitants contraints de se ravitailler dans les lacs et les rivières : la lutte contre cette épidémie hautement contagieuse se heurte à un obstacle central, celui de l’eau, ressource aussi rare qu’indispensable.

 

À l’hôpital Prince Régent Charles, plusieurs malades venus notamment de la zone de Buyenzi sont pris en charge.

 

L’administrateur de la commune Mukaza a multiplié les appels au respect des règles d’hygiène lors des travaux communautaires, exhortant les habitants à se laver régulièrement les mains et à maintenir leur environnement propre.

 

Mais ces recommandations sonnent creux pour ceux qui, comme à Buyenzi, ne voient l’eau couler qu’une ou deux fois par semaine.

 

Pour survivre, nombre de familles n’ont d’autre choix que de s’approvisionner directement dans le lac Tanganyika.

 

« Comment appliquer l’hygiène sans eau ? », s’interroge un habitant, conscient du risque sanitaire qui s’amplifie à mesure que les égouts bouchés transforment les rues en foyers infectieux.

 

Le problème dépasse Buyenzi.

 

Dans les quartiers de Kamenge, Kinama, Bukirasazi ou encore Cibitoke, les restaurants de fortune fonctionnent sans conditions d’hygiène minimales, faute d’approvisionnement régulier en eau.

 

« Nous faisons de notre mieux, mais avec la pénurie d’eau, il est presque impossible de garder nos établissements propres », confie une restauratrice.

 

Les habitants eux-mêmes avouent manger à contrecœur dans ces lieux par manque d’alternatives, redoutant d’y contracter le choléra.

 

La résurgence de l’épidémie n’épargne pas non plus l’intérieur du pays.

 

Dans les communes de Cibitoke et Bukinanyana, rattachées à la province de Bujumbura à l’ouest du Burundi, 226 cas ont été recensés entre le 4 et le 18 septembre, selon le médecin chef du district sanitaire, rapporte SOS Media.

 

Quatre-vingt-quatre malades restent hospitalisés au centre de traitement de Rugombo, tandis que 130 ont déjà pu regagner leurs foyers.

 

Débordés, les soignants bénéficient désormais du renfort de Médecins sans frontières, qui appuie la prise en charge et organise la chloration de l’eau dans les ménages.

 

Mais les besoins dépassent largement les capacités disponibles.

 

Dans les collines de Mparambo, Rubuye, Kagazi ou Nyakagunda, les bornes-fontaines sont vides depuis des semaines.

 

Les familles s’en remettent aux rivières ou aux marais, sources fréquemment contaminées par les pesticides agricoles.

 

L’absence de latrines dans de nombreux foyers aggrave encore la propagation de la maladie.

 

« L’épidémie progresse rapidement. Nous avons besoin d’un appui accru », alerte le responsable du district, appelant les autorités à intensifier la mobilisation et à renforcer la réponse humanitaire.

 

De son côté, le ministère de la Santé multiplie les messages de prévention.

 

Spots radios, affiches et réunions communautaires rappellent les symptômes – diarrhées aiguës, vomissements – et insistent sur la nécessité de consulter rapidement les structures de santé en cas de suspicion.

 

Mais le contraste entre les consignes officielles et la réalité du terrain demeure saisissant : se laver les mains au savon ou consommer de l’eau propre relève souvent de l’impossible.

 

Face à cette situation, les habitants multiplient les demandes urgentes : réparation des égouts, collecte des déchets, approvisionnement régulier en eau potable.

 

« Nous sommes prêts à participer aux travaux communautaires, mais sans eau, tous ces efforts sont vains », plaide une résidente de Buyenzi.

 

Les autorités locales, quant à elles, se contentent pour l’instant de rappeler à l’ordre et de sensibiliser, sans pouvoir offrir de solutions durables.

 

Au-delà du défi sanitaire, c’est un problème de gouvernance et d’infrastructures qui se dessine.

 

La dépendance des populations à des points d’eau insalubres illustre une vulnérabilité chronique, qui, à chaque épidémie, expose les plus pauvres aux conséquences les plus lourdes.

 

C’est pourquoi, face à la gravité de la situation, des voix politiques et citoyennes s’élèvent. La Coalition pour la Renaissance de la Nation, CRN-Ingeri ya Rugamba, appelle les dirigeants à passer des discours aux actes, estimant qu’il ne suffit plus d’enjoindre la population au respect des règles d’hygiène.

 

Elle exhorte le leadership burundais à investir dans l’accès durable à l’eau potable, à renforcer les infrastructures sanitaires et à coordonner une réponse nationale à la hauteur du danger.

 

“Car sans action rapide et concrète, l’épidémie de choléra risque de devenir le révélateur amer d’une défaillance collective.”