Le retrait du groupe kényan Diamond Trust Bank (DTB) de sa filiale burundaise met en lumière les faiblesses structurelles du système bancaire national. Loin d’être une simple réorganisation stratégique régionale, cette sortie illustre les conséquences d’un leadership incapable de bâtir un environnement financier crédible et compétitif.
Le conseil d’administration de Diamond Trust Bank Kenya a annoncé la vente de sa participation majoritaire de 83,67 % dans DTB Burundi, au profit d’un consortium d’investisseurs locaux, incluant l’actionnaire minoritaire existant.
L’accord, encore conditionné aux validations des régulateurs, est officiellement présenté comme un recentrage sur les « marchés prioritaires » de l’Afrique de l’Est — Kenya, Ouganda et Tanzanie.
Derrière cette justification, un constat s’impose : le Burundi n’a pas su convaincre un acteur bancaire d’envergure régionale de rester.
Depuis son implantation en 2009, DTB Burundi avait pourtant développé un réseau de quatre agences et intégré le top dix du secteur bancaire local.
Mais dans un environnement marqué par la faible bancarisation, la lourdeur réglementaire et l’absence de vision stratégique nationale, la filiale n’a jamais pu libérer son potentiel de croissance.
Ce désengagement tranche avec les performances consolidées du groupe, qui a affiché en 2024 un bénéfice net après impôt de 7,64 milliards de shillings kényans, dont plus de 70 % générés au Kenya.
La comparaison est implacable : là où les marchés voisins offrent des marges et des opportunités, le Burundi apparaît comme une zone à faible rentabilité, minée par un appareil financier incapable d’inspirer confiance aux grands investisseurs.
Pour l’économiste André Nikwigize, ce départ ne surprend pas : « Le DTB se retire du Burundi après 16 ans. Le marché burundais n’est pas intéressant : pas de devises, pas d’électricité, pas d’internet, faible pouvoir d’achat. En plus, les tracasseries administratives du pouvoir DD découragent tout investisseur sérieux. »
Une analyse qui confirme que le problème dépasse le seul secteur bancaire : il s’agit d’un échec global de gouvernance économique.
La sortie de DTB ne peut donc être réduite à une simple transaction privée. Elle traduit l’incapacité du leadership burundais à moderniser le secteur, à instaurer des règles claires et à créer un climat propice aux affaires.
Au lieu de stimuler la concurrence et l’innovation bancaire, les choix politiques et réglementaires ont freiné l’essor d’un système pourtant essentiel au financement de l’économie.
Pour la CRN – Ingeri ya Rugamba, ce retrait est un signal d’alarme : « Le départ d’une institution régionale comme DTB montre que notre leadership semble naviguer à vue dans la tempête, chamboulant tout sur son passage sans jamais jeter l’ancre pour trouver des solutions durables. Tant que cette dérive se poursuivra, nous continuerons à perdre des partenaires essentiels au développement. Il est urgent de redresser la barre du secteur financier. »
En somme, l’affaire DTB dépasse largement la vente d’une banque. Elle illustre l’impasse d’un appareil financier dominé par le désordre, le court terme et l’absence de réformes structurelles.
Si le leadership burundais ne change pas de cap, d’autres désengagements suivront, au détriment des ménages et des entreprises déjà fragilisés par un accès limité au crédit.