Le gouvernement burundais réclame davantage de performance aux entreprises publiques, mais ces dernières dénoncent un paradoxe persistant : on leur demande de livrer des résultats probants sans pour autant leur fournir les moyens suffisants pour y parvenir.
La réunion tenue mardi à Bujumbura par le Premier ministre Nestor Ntahontuye a illustré cette tension qui mine depuis des années les rapports entre l’État et ses sociétés stratégiques.
Le chef du gouvernement a rappelé avec fermeté que « l’eau et l’électricité sont le moteur du développement », visant directement la Regideso, pilier de la fourniture en énergie et en eau potable.
Pourtant, cette entreprise croule sous des difficultés structurelles qui ne dépendent pas uniquement de sa gestion.
Son directeur général, Jean Albert Manigomba, a rétorqué que l’institution conserve aujourd’hui un excédent financier, mais que son efficacité est freinée par le manque d’accès aux devises étrangères.
Trois années d’attente pour obtenir la monnaie nécessaire afin de payer des fournisseurs : un exemple frappant d’un système où les obstacles macroéconomiques étouffent la capacité d’action d’une société censée répondre à des besoins vitaux.
La Bancobu fait face à des contraintes similaires.
Sa dirigeante, Trinitas Girukwishaka, a dénoncé l’interdiction d’encaisser les paiements en devises auprès de clients étrangers.
Une mesure décidée par la Banque centrale qui fragilise sa capacité à honorer ses dettes.
Là encore, la demande de rentabilité se heurte à une réalité où les leviers de croissance sont verrouillés par l’État lui-même.
Malgré ces arguments, le Premier ministre exige des solutions « innovantes » et des projets à rentabilité immédiate.
Il a également ordonné un exercice de transparence : d’ici au 31 octobre 2025, toutes les entreprises publiques devront présenter leurs états financiers, leur bilan 2024 et la situation de leurs résultats.
L’enjeu va bien au-delà de simples chiffres.
La gouvernance des entreprises publiques illustre un dilemme récurrent au Burundi : comment exiger la performance quand les ressources mobilisées par l’État restent limitées et parfois inadaptées ?
En plaçant la barre très haut sans garantir le minimum nécessaire, le gouvernement risque de transformer ses attentes légitimes en injonctions paradoxales, au détriment non seulement des sociétés concernées, mais aussi des citoyens qui subissent déjà les insuffisances de ces services essentiels.