Plus de soixante ans après son indépendance, le Burundi peine encore à consolider un État fondé sur la légalité et la démocratie. Le pays, marqué par une histoire de fractures identitaires et de violences politiques, se retrouve aujourd’hui confronté à une crise institutionnelle profonde, nourrie par la dérive autoritaire du pouvoir et la marginalisation de larges pans de la société.
Depuis 1962, les idéologies ethno-racistes et les politiques d’exclusion ont façonné la vie nationale, entraînant massacres, exils et divisions persistantes.
Cette dynamique, selon la Coalition pour la Renaissance de la Nation, CRN – Ingeri ya Rugamba, a plongé le pays dans une impasse politique et une pauvreté endémique.
Trois quarts de la population burundaise vivent encore sous le seuil de pauvreté, conséquence d’une gouvernance instable et de la captation des ressources publiques par une élite restreinte.
L’un des points de rupture les plus marquants demeure la remise en cause des fondements de la paix signés au tournant des années 2000.
L’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation, la Charte de l’Unité Nationale et la Constitution inclusive de 2005 avaient instauré un équilibre fragile entre les composantes du pays et ouvert la voie à une gouvernance participative.
Leur affaiblissement progressif a cependant conduit à une recentralisation du pouvoir et à un recul du pluralisme politique.
Le tournant de 2015, marqué par la crise liée au troisième mandat présidentiel, a aggravé cette situation.
La scène politique s’est fragmentée, les forces vives de la Nation se sont dispersées, et nombre d’acteurs ont été contraints à l’exil.
Cette désintégration du tissu politique a laissé le champ libre à une gouvernance concentrée et à un appareil d’État accusé d’exclure, de réprimer et de violer les principes constitutionnels.
Le respect de la légalité constitutionnelle apparaît aujourd’hui comme une condition essentielle à la reconstruction du pays. Aucun État de droit ne peut en effet exister sans le respect des lois et de la Constitution.
L’arrêt rendu par la Cour de l’East African Community (EAC) le 25 novembre 2021, reconnaissant la violation de l’Accord d’Arusha, de la Constitution du Burundi et du Traité de l’EAC, rappelle cette exigence et met en lumière la nécessité d’un retour à un ordre légal fondé sur le droit et la légitimité.
Par ailleurs, la situation économique et institutionnelle reste préoccupante.
Les dérèglements touchent trois domaines clés : l’identité nationale, les institutions politiques et militaires, et l’économie.
La mauvaise gouvernance et l’exclusion ont provoqué un affaiblissement général de l’administration publique et une dépendance accrue à l’aide extérieure, dont une partie est souvent détournée par des réseaux proches du pouvoir.
Sur la scène régionale et internationale, le Burundi souffre également d’un isolement croissant.
Les relations avec les pays voisins, les partenaires au développement et les investisseurs étrangers se sont dégradées, accentuant la crise économique et limitant les perspectives de redressement.
Dans ce contexte, le retour à la légalité constitutionnelle ne constitue pas seulement une question juridique, mais une exigence politique et morale.
C’est la voie incontournable vers une réconciliation durable, une démocratie restaurée et une véritable renaissance nationale.

