Les murs lézardés, les vitres brisées et les plafonds effondrés des bâtiments de l’Université du Burundi sont devenus le symbole d’un patrimoine éducatif en péril. Sur les campus de Kiriri et Mutanga, la vétusté saute aux yeux et inquiète étudiants comme enseignants.
Ce qui fut jadis un haut lieu du savoir donne aujourd’hui l’image d’un établissement qui s’effrite, lentement mais sûrement, sous le poids du temps et du manque d’entretien.
Au campus Kiriri, le décor en dit long : murs rongés par l’humidité, salles de classe envahies par les moisissures, et dortoirs dans un état lamentable.
Les étudiants, contraints de vivre dans ces conditions, bricolent des solutions de fortune. Des sacs en plastique remplacent les vitres absentes, tandis que les eaux de pluie s’invitent jusque dans les chambres.
« Lorsqu’il pleut, l’eau ruisselle sur les murs et inonde le sol. Nos affaires sont souvent abîmées », témoigne une étudiante du bâtiment GH, désormais devenu synonyme d’abandon.
Le contraste est saisissant avec les infrastructures voisines, notamment celles de la congrégation des Jésuites, impeccablement entretenues.
« On dirait qu’on nous a oubliés », murmure un étudiant en désignant les bâtiments modernes qui jouxtent le campus.
L’Institut d’Éducation physique et des Sports, autrefois dynamique, présente aujourd’hui un visage désertique : vitres cassées, murs ternis, toiles d’araignées omniprésentes.
Même la piscine, jadis symbole de vitalité, n’échappe pas à la dégradation : elle n’est plus nettoyée régulièrement et reste fermée au public.
Au campus Mutanga, la situation n’est guère plus reluisante.
Les pavillons 11 et 12 portent les stigmates du temps : fissures profondes, peinture écaillée, sanitaires défectueux.
Les étudiants s’indignent du manque de réactivité des autorités : « Parfois, cent personnes partagent trois douches encore fonctionnelles. Les toilettes sont bouchées et les robinets hors service. »
Ces conditions déplorables, loin d’être anodines, affectent le bien-être et la concentration des apprenants, fragilisant la qualité même de l’enseignement supérieur.
Face à cette détresse, le recteur de l’Université du Burundi, Prudence Bararunyeretse, tente de rassurer.
Il affirme que la rénovation des campus débutera bientôt, avec un budget prévu dans le cadre de l’exercice 2025-2026.
Selon lui, la procédure de passation du marché est en voie d’achèvement.
« Certains bâtiments ont besoin de réparations importantes, d’autres d’un simple rafraîchissement de peinture. Nous avançons selon la disponibilité des fonds », explique-t-il, tout en reconnaissant que les besoins sont considérables.
Le recteur évoque également la recherche de partenaires extérieurs pour financer l’agrandissement de certaines salles et laboratoires, signe d’une volonté de modernisation à long terme.
Mais cette annonce, si elle soulage provisoirement, ne suffit pas à apaiser les doutes. Car au-delà des promesses, la question de la qualité des travaux et de la gestion des fonds publics reste entière.
Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la Corruption et les Malversations économiques (Olucome), rappelle à ce sujet l’obligation légale d’entretenir les biens publics, telle que stipulée par l’article 69 de la Constitution.
Il met en garde contre les marchés publics entachés de corruption, où les rénovations bâclées ne résistent qu’une année avant de retomber en ruine.
« Il faut garantir la durabilité des infrastructures. Les fonds publics doivent servir à des travaux de qualité, et non à des profits privés », insiste-t-il.
L’état des campus de l’Université du Burundi, souligne la Coalition pour la Renaissance de la Nation (CRN – Ingeri ya Rugamba), pose une question plus profonde : celle de la responsabilité collective dans la préservation du patrimoine éducatif national.
Car au-delà des murs fissurés, c’est la dignité même de l’enseignement supérieur qui se fragilise.
Redonner vie à ces bâtiments, c’est aussi redonner espoir à une jeunesse en quête de savoir et de perspectives.
Encore faut-il que les promesses de réhabilitation ne s’effondrent pas, elles aussi, sous le poids des lenteurs administratives et de la mauvaise gouvernance.

