À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, célébrée ce 20 novembre, le contraste entre les engagements proclamés et le vécu quotidien de nombreux enfants burundais apparaît plus saisissant que jamais.
Dans les rues de Bujumbura, comme derrière les murs des maisons où travaillent des domestiques trop jeunes, se révèle une même réalité : celle d’une enfance sacrifiée aux violences, à la pauvreté et à l’indifférence.
Autour des marchés de la capitale, de très jeunes enfants attendent qu’on leur confie des charges à porter pour quelques pièces.
Eric, 9 ans, fait partie de ces silhouettes discrètes qui se faufilent entre les étals de Cotebu.
Selon le journal Iwacu Burundi, son histoire est celle d’un abandon successif. Orphelin de mère, livré aux coups d’une belle-mère hostile, ignoré par un père démissionnaire, il a fui un foyer devenu invivable.
« Je n’avais pas le choix », confie-t-il.
Aujourd’hui, il survit grâce au transport de sacs de plusieurs kilos, payé parfois 100 ou 200 francs burundais, « une somme qui ne permet d’acheter absolument rien ».
À quelques pas de lui, une fillette de 13 ans illustre une autre forme d’exploitation : celle du travail domestique.
Envoyée à Bujumbura à seulement dix ans, faute de moyens pour poursuivre l’école, elle a déjà été déplacée de famille en famille, au gré des violences et des humiliations.
Salaires confisqués, coups, accusations infondées : la jeune fille raconte une spirale d’abus où même ses parents, qui perçoivent son maigre revenu, participent à son exploitation.
« Je ne suis pas la seule », souffle-t-elle.
Ces témoignages, parmi tant d’autres, confirment les constats alarmants dressés par les organisations engagées dans la protection de l’enfance.
La FENADEB recense pour la seule année 2024 plus de 500 violations graves : enlèvements, viols, violences physiques, traite. Plus de 80 % des victimes de traite seraient des garçons envoyés en Tanzanie.
Des chiffres qui révèlent l’ampleur d’un phénomène endémique, malgré un cadre légal existant.
Pour la fédération, les priorités sont claires : améliorer les mécanismes de signalement, renforcer la prévention par des campagnes de sensibilisation, soutenir les familles vulnérables, et développer des services de prise en charge psychosociale.
Les enlèvements, en particulier, exigent une réaction immédiate de l’État : enquêtes efficaces, contrôles frontaliers renforcés, meilleure communication avec les communautés.
Les parents, eux, doivent être des acteurs vigilants, attentifs aux déplacements de leurs enfants et prompts à signaler toute disparition.
Le domaine éducatif offre quelques raisons d’espérer.
Selon Me Jean Samandari, président de l’ACP, la scolarisation des filles progresse et des efforts ont été faits pour certains enfants autochtones, bénéficiant désormais de mesures incitatives ou de la gratuité.
Mais ces avancées demeurent fragiles et inégales.
Salles de classe surpeuplées, pénurie d’enseignants qualifiés, infrastructures inadaptées, violences basées sur le genre en milieu scolaire : autant d’obstacles qui continuent de priver une partie des enfants de leur droit fondamental à l’éducation.
À cela s’ajoutent les difficultés économiques qui poussent nombre d’entre eux à abandonner l’école pour contribuer à la survie de leur foyer.
Le tableau général reste sombre : exploitation domestique persistante, traite transfrontalière, violences multiples, faible investissement dans des politiques inclusives.
Pourtant, les solutions sont connues, identifiées, rappelées année après année. Selon la Coalition pour la Renaissance de la Nation, CRN – Ingeri ya Rugamba, ce qui manque encore, ce sont les moyens, la volonté politique et l’action concertée pour faire respecter, réellement, les droits des enfants.
La CRN – Ingeri ya Rugamba lance un appel pressant : protéger l’enfance doit devenir une priorité nationale. Car derrière chaque statistique se cache un visage comme celui d’Eric ou de cette fillette, et une enfance qu’il serait encore possible de sauver.

