Une économie qui baisse d’un côté et qui saigne de l’autre

La récente baisse du dollar sur le marché noir aurait pu annoncer un souffle d’air pour les ménages. Passé de 7 300 BIF à environ 6 300 BIF en quelques mois, ce recul semblait à même d’alléger les coûts des marchandises importées et, par ricochet, des denrées produites localement. Pourtant, les réalités observées sur les étals racontent une tout autre histoire : les prix continuent de grimper, laissant les consommateurs déboussolés et renforçant un sentiment d’injustice économique.

 

Selon l’analyse du journal Iwacu Burundi, au marché de Ngagara II, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

 

Le riz tanzanien atteint désormais 230 000 BIF le sac de 25 kg, alors qu’il s’achetait 180 000 BIF il y a à peine deux mois.

 

Les produits locaux n’échappent pas à cette inflation tenace : un kilo de riz ordinaire se vend aujourd’hui 6 000 BIF, un sac de sel passe à 43 000 BIF.

 

Les commerçants justifient cet écart par un faisceau de raisons : stock ancien encore valorisé au taux élevé du dollar, prix internationaux inchangés, coûts logistiques alimentés par un carburant encore rare et souvent obtenu au marché noir. Ils évoquent aussi la nécessité de protéger leurs marges, déjà entamées par des mois de turbulences économiques.

 

Mais ces arguments peinent à convaincre ceux qui, à la sortie des marchés, comptent leurs billets avec une anxiété croissante.

 

Pour de nombreux Burundais, l’alimentation devient un parcours d’arbitrage constant.

 

Une habitante de Kamenge confie ne plus pouvoir acheter du riz, même de qualité médiocre. D’autres dénoncent des variations de prix d’un commerçant à l’autre, perçues comme autant de signes d’une spéculation devenue incontrôlable.

 

La confiance s’érode et l’attente envers l’État s’intensifie : fixation de barèmes, contrôles accrus, sanctions.

 

Les appels visant à contenir ce qui ressemble à un laisser-faire tarifaire se multiplient. Les voix institutionnelles ne disent pas autre chose.

 

L’Association burundaise des consommateurs souligne une contradiction flagrante : malgré la baisse du dollar et la reprise partielle de la distribution du carburant, les tarifs de transport comme les prix des biens n’ont pas été révisés.

 

Les arguments avancés par les commerçants lorsque le dollar flambait semblent s’être évaporés au moment où il recule. Le ministère du Commerce est ainsi appelé à reprendre la main sur la régulation, afin de freiner les comportements spéculatifs et de rétablir une certaine cohérence dans la formation des prix.

Mais au-delà de ces dysfonctionnements, c’est un déséquilibre structurel que pointent les spécialistes.

 

Le marché burundais souffre d’une rigidité profonde : les prix, une fois élevés, redescendent rarement avec la même rapidité.

 

Les importateurs continuent de s’appuyer sur des commandes passées lorsque le dollar était haut ; les entreprises cherchent à compenser leurs pertes antérieures ; la production nationale reste insuffisante pour peser face à la dépendance extérieure. Le tout sur fond d’une inflation qui dépasse les 30 %, annihilant toute perspective de baisse généralisée à court terme.

 

Cette dynamique entretient un cercle vicieux : hausse des prix, chute du pouvoir d’achat, réduction du panier alimentaire, fragilisation des ménages et affaiblissement de la capacité d’investissement, y compris pour les besoins essentiels comme la santé ou l’éducation.

 

Selon l’organisation politique, Coalition pour la Renaissance de la Nation, CRN – Ingeri ya Rugamba, l’inflation alimentaire devient alors un vecteur d’instabilité sociale et un frein au développement,

 

Pour inverser la tendance, des pistes existent, souligne la CRN – Ingeri ya Rugamba.

 

Elle appelle à une régulation plus ferme des secteurs stratégiques — carburant, sucre, ciment, énergie — dont les coûts influencent l’ensemble de la chaîne de production.

 

Elle plaide aussi pour davantage de transparence dans l’information diffusée aux acteurs économiques, ainsi que pour un soutien ciblé aux ménages les plus vulnérables.

 

Sans un effort conjoint de contrôle, de communication et de relance de la production locale, la baisse du dollar restera un signal sans effet, incapable de se traduire dans la vie quotidienne.

 

À défaut d’une action rapide et cohérente, le marché continuera de défier la logique économique, et la population de payer au prix fort une crise dont elle ne maîtrise ni les causes ni les mécanismes, conclut la CRN – Ingeri ya Rugamba.