Quatre ans de silence du Burundi face à l’arrêt de l’EAC

Le 25 novembre 2021, la chambre d’appel de la Cour de Justice de la Communauté Est-Africaine a rendu l’arrêt n°1/2020, déclarant le troisième mandat du président Nkurunziza en 2015 illégal. Quatre ans plus tard, cet arrêt reste lettre morte et la société civile burundaise rappelle avec force l’impérieuse nécessité de son application.

 

À l’occasion du quatrième anniversaire, le 25 novembre 2025, plusieurs organisations de la société civile ont publié une déclaration dénonçant « le refus du gouvernement du Burundi à mettre en application l’arrêt de la Cour de l’EAC ».

 

La crise sociopolitique déclenchée en 2015 par la violation de la Constitution et de l’Accord d’Arusha demeure non résolue.

 

Cette crise continue de provoquer de graves violations des droits humains, notamment des meurtres, des assassinats ciblés, des violences sexuelles, des tortures, des enlèvements, des disparitions forcées, des détentions arbitraires, ainsi que la présence de centaines de milliers de réfugiés dans des camps.

 

L’espace démocratique reste verrouillé, les élections sont marquées par des mascarades répétées, la corruption et la prédation des ressources de l’État persistent, et la population continue de s’appauvrir.

 

L’arrêt de la Cour de l’EAC représentait une « opportunité majeure pour remettre le pays sur la voie de l’État de droit et de la démocratie ».

 

Après plus de six ans d’instruction, la chambre d’appel a constaté « une violation grave par le régime burundais de la Constitution du Burundi et de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation ».

 

Elle a également souligné que l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du Burundi du 5 mai 2015, qui avait validé le troisième mandat, était en violation de la Constitution, de l’Accord d’Arusha et du traité établissant la Communauté Est-Africaine.

 

Face à cette situation, la société civile appelle à des mesures urgentes pour restaurer l’ordre constitutionnel et rétablir la confiance dans le pays. Elle réclame le retour à la Constitution de 2005, la libération immédiate et inconditionnelle des détenus arbitraires, la réouverture des médias indépendants et de l’espace politique, la réhabilitation des victimes du troisième mandat illégal et la mise en œuvre de poursuites contre les auteurs de la répression.

 

La déclaration insiste également sur la nécessité de créer les conditions favorables au retour des réfugiés et de reprendre les pourparlers entre le gouvernement, la société civile et les partis politiques, afin de ramener le Burundi sur les rails de la paix, de la justice et de l’État de droit.

 

Le troisième mandat de Pierre Nkurunziza, annoncé en avril 2015 par son parti, a été perçu comme illégal car il violait clairement la Constitution, qui limitait le nombre de mandats présidentiels. Cette candidature a été vivement contestée, la Constitution et l’Accord d’Arusha prévoyant des garde‑fous pour prévenir toute dérive autoritaire.

 

La décision a déclenché dès fin avril 2015 des manifestations massives dans la capitale et dans d’autres régions, exprimant le refus populaire d’un troisième mandat.

 

Face à ces protestations, les forces de l’ordre ont répondu par la violence, utilisant gaz lacrymogènes et tirs à balles réelles, causant morts et blessés. Après un coup d’État manqué en mai 2015, la répression s’est intensifiée avec la fermeture de médias indépendants, l’attaque et la destruction de leurs locaux, le harcèlement, les arrestations arbitraires et les persécutions ciblant la société civile et l’opposition.

 

Des radios et médias privés, tels que Radio Publique Africaine, Radio Isanganiro, Bonesha FM ou Radio-Télévision Renaissance, ont vu leurs équipements sabotés ou incendiés. De nombreux journalistes, défenseurs des droits humains et membres de la société civile ont été menacés, blessés, emprisonnés ou contraints de fuir le pays.

 

Plusieurs centaines de milliers de Burundais se sont ainsi exilés pour échapper à cette répression, tandis que la destruction systématique des organisations civiles, les arrestations massives, les disparitions forcées et les assassinats ont laissé un traumatisme durable, dans un climat d’impunité quasi totale selon les rapports de droits humains.

 

Pour ces organisations de la société civile, « la mise en application de cet arrêt dans la paix et la sérénité à travers la réparation des effets néfastes pourrait être une voie de sortie ». Aujourd’hui encore, le pays reste suspendu entre un passé autoritaire et l’espoir d’une justice et d’un retour à l’État de droit qui tarde à se concrétiser.