Croissance du PIB et inflation de 1970 à 2025 : regard analytique d’A. Nikwigize

En cette journée du 5 juin 2025, consacrée aux élections législatives, il est triste de constater que le bilan socio-économique des 20 ans du pouvoir du CNDD-FDD est désastreux.

Trois facteurs principaux : Le manque de vision politique claire, la mauvaise gouvernance économique et financière et l’isolement international résultant de la mauvaise gouvernance politique et économique

 

  1. Manque de Vision Politique Claire

 

Ayant accédé au pouvoir grâce aux Accords d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi, lesquels Accords avaient défini le cadre de sortie de crise et de relance économique, le Parti CNDD-FDD a préféré enterrer ces Accords, sans aucun autre plan alternatif. Par la suite, des plans de développement ont été présentés, mais sans que ces plans soient traduits en programmes de dépenses publiques tri-annuels ou budgets d’investissement annuels.

 

Ce sont notamment : la Vision 2025; le Plan National de Développement 2018-2027; la Vision 2040-2060 ; ou des slogans, comme : « les ressources minières vont rendre le Burundi un pays développé », « que chaque Burundais ait suffisamment à manger et que chaque poche ait de l’argent », « nous allons mettre en place un programme de deux ans pour que chaque burundais puisse posséder au moins 2 millions de Francs Burundais (« One Million Project ») ».

 

Des plans, certes, louables, mais que les autorités annoncent sans conviction et sans consistance. Et pourtant…. L`agriculture, qui nourrit et emploie la majeure partie de la population, qui fournit une bonne partie des ressources en devises du pays, a été délaissée par les pouvoirs publics, avec pour conséquences : une baisse de la production vivrière et d’exportations, des hausses des prix des denrées alimentaires, et une insécurité alimentaire qui touche plus de 70% de la population. Le budget consacré à l’agriculture, qui représentait 22% en 1992/1993, représente, à peine 7%, en 2024/2025. L’agriculture, qui représentait 66% du PIB en 1992, ne représente plus que 28% en 2025, ce qui veut dire que l’agriculture n’est plus le pilier de l’économie nationale. Rien de surprenant que plus de 70% de la population souffre de l’insécurité alimentaire.

 

En 2024, le Burundi était classé premier pays en Afrique et dans le monde où sévit la faim. Le secteur industriel est presque inexistant. Toutes les unités industrielles créées dans les années 80 ont été fermées, d’autres sont moribondes. En 1992, il y avait plus de 100 entreprises publiques, en 2025, il n’y a même pas plus de 10 entreprises publiques, et qui sont en difficulté.

 

Par conséquent, le double objectif initial d’indépendance économique et de substitution des importations a échoué. Le Burundi, aujourd’hui, importe presque tous les produits de première nécessité : farine, médicaments, engrais, verres, bouteilles, huiles, sucre, aliments pour enfants, habillement, et autres, des produits qui pourraient être manufacturés au Burundi. Avec le taux le plus bas d’Afrique (38%) pour la liberté des affaires, il est difficile pour un homme d’affaires de vouloir venir investir au Burundi. En 2022, le Burundi était le dernier pays le moins industrialisé d’Afrique.

 

  1. Une Mauvaise Gouvernance Economique

 

Pendant les 20 dernières années, le système économique du CNDD-FDD a été caractérisé, notamment, par : – La Mauvaise Gestion des ressources publiques : un système opaque de passation de marchés publics, des projets créés sans réels apports pour les populations (ANAGESSA, SOPEBU, Marché Boursier, etc). – La Corruption, qui gangrène toute la hiérarchie de l’Etat, touchant aussi bien les recettes fiscales que les aides extérieures. Le Burundi est classé parmi les 10 premiers pays les plus corrompus au monde. – Le système de Recrutement des cadres est basé sur l’appartenance au parti au pouvoir, et non sur les compétences professionnelles.

 

Des partenaires de développement se plaignent régulièrement, à cause des faibles capacités d’analyse et de gestion des cadres de l’Etat. D’importants montants de financements extérieurs retournent aux bailleurs, du fait de leur non-utilisation dans les délais prescrits. En 2023, la Banque Mondiale se plaignait du taux d’utilisation de 21% sur 1,3 milliards de $US, accordés au Burundi pour la période 2019-2023.

 

En 2012, la Banque Africaine de Développement (BAD) s’inquiétait de la longueur d’exécution des projets, à cause de ce qu’elle appelait « l’absence de culture de recevabilité et de résultats »

 

– La détérioration de toutes les infrastructures publiques : les systèmes de l’éducation et de santé sont délabrés, le pays n’a pas d’électricité, avec seulement 12% de la population ayant accès à l’électricité, les routes nationales et secondaires sont délabrées, et datent des années 80, et sans entretien, etc.

 

– La détérioration du système financier, avec des politiques monétaires inappropriées, une monnaie qui se déprécie considérablement atteignant un niveau de plus de 300% en 2 ans, des pénuries de devises étrangères, des penuries de carburant et d’autres produits de première nécessité, tels que les médicaments, les engrais, les produits alimentaires, une inflation qui dépasse les 40%, etc.

 

– Aucune réforme économique et financier n’est engagée en vue de relancer l’économie. En avril 2023, le Gouvernement avait convenu avec le Fonds Monétaire International (FMI), avec l’appui des partenaires de développement, telles que la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement, un programme de stabilisation macroéconomique de 38 mois, accompagné d’une Facilité Elargie de Crédit de 271 Millions de $US. Une première tranche de 61 Millions de $US fut décaissée en juillet 2023.

 

Une année après, en janvier 2025, le FMI fut dans l’obligation de suspendre le programme, pour non-respect des engagements par le Gouvernement. Le Gouvernement dispose-t-il des ressources alternatives pour financer les importations de carburant, les médicaments, les engrais et les autres produits de première nécessité, équilibrer la balance des paiements et éviter la dépréciation continue de la monnaie nationale ? La réponse est certainement NON.

 

  1. Isolement international et absence d’investissements étrangers, résultant d’une mauvaise gouvernance politique et économique.

 

Au cours des premières années du pouvoir CNDD-FDD, le Gouvernement a reçu des appuis financiers importants de la communauté internationale. Entre 2005 et 2016, l’aide au développement fut multipliée par plus de 2, passant de 352 Millions de $US à 742 Millions de $US.

 

A la suite des événements sanglants survenus en 2015, avec des violations massives des droits humains, des massacres, des disparitions forcées, des exils massifs, la plupart des partenaires de développement ont réduit fortement leurs appuis, et, en 2024, l’aide au développement accordée au Burundi atteignait, à peine, 350 Millions de $US. Sans aucune alternative de ressources, et avec un effet sur les populations dont la pauvreté s’exacerbe. La même tendance s’est observée pour les investissements directs étrangers.

 

Entre 2005 et 2016, ils avaient augmenté considérablement, passant d’un montant d’environ 500.000 $US, à 221 Millions de $US, mais, en 2024, ils ont baissé à 30 Millions de $US, pour les mêmes raisons que l’aide au développement. Et la tendance baissière continue. En décembre 2024, le Gouvernement a organisé une réunion des investisseurs, pour mobiliser des ressources d’investissement, et à ce jour, les résultats sont très faibles, les investisseurs étrangers potentiels ne se bousculent pas pour venir investir au , et.

 

La même tendance s’observe au niveau des investisseurs burundais qui préfèrent aller investir leurs capitaux dans des pays étrangers. Le peuple Burundais avait espéré que les nouveaux élus soient en mesure de promouvoir des changements profonds dans la gouvernance économique et impulser une transformation socio-économique, en vue d’améliorer leur quotidien.

 

Malheureusement, avec la configuration parlementaire en vue, constituée en large majorité de parlementaires issus du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, et dans un environnement où l’espace politique est fermé, où les principaux opposants politiques ont été interdits de participer au scrutin, où les populations ont reçu des consignes claires de ne mettre leurs voix qu’en faveur des candidats du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, il est évident que les changements espérés ne viendront pas comme souhaité.

 

Durant les 20 dernières années, les parlementaires et les sénateurs ont été au service de l’Executif, au lieu de servir les intérêts du peuple qui les a élus. Les populations se contenteront, encore, et pour longtemps, des promesses, encore des promesses, rien que des promesses. Pour des lendemains meilleurs. EJO NI HEZA.