À la suite des résultats provisoires des élections communales et législatives du 4 juin 2025, qui donnent une victoire écrasante au parti au pouvoir CNDD-FDD, le climat politique se tend. Plusieurs formations de l’opposition montent au créneau pour dénoncer l’interdiction faite par le ministre de l’Intérieur de toute déclaration publique contestant le scrutin. Une mesure qu’elles jugent liberticide et contraire à l’esprit démocratique.
C’est un message sans ambiguïté que le ministre Martin Niteretse a adressé aux partis politiques : toute personne ou organisation contestant publiquement les résultats électoraux pourrait faire face à des sanctions prévues par la loi. Il justifie cette interdiction par la volonté de préserver la paix et la sécurité dans le pays. Mais du côté des partis d’opposition, cette directive est perçue comme une tentative de bâillonner la vérité et d’étouffer les voix dissidentes.
Kefa Nibizi : « Un recul de la démocratie »
Porte-parole de la Coalition Burundi Bwa Bose, Kefa Nibizi ne décolère pas. Selon lui, empêcher les partis politiques de publier des communiqués dénonçant les irrégularités observées lors du scrutin constitue « un net recul de la démocratie et de la liberté d’expression ». Il affirme que de nombreuses anomalies ont été constatées pendant les élections et que ces faits ont été rapportés aux autorités compétentes, sans réponse concrète.
« Le pouvoir en place ne veut pas que les procédés utilisés pendant les élections soient révélés au grand jour. Il veut dissimuler les irrégularités et les fraudes qui lui ont permis d’obtenir 100 % des sièges à l’Assemblée nationale », accuse-t-il. La coalition prévoit de saisir la Cour constitutionnelle afin de contester la validité du scrutin.
Olivier Nkurunziza : « Empêcher de parler, c’est nier la réalité »
Le président du parti UPRONA abonde dans le même sens. Pour lui, cette interdiction revient à nier des faits avérés. « Nous avons le droit de contester les résultats. Nous avons des preuves, et nous devons informer nos partisans, le public, mais aussi la communauté internationale », affirme-t-il.
Il estime que seule une incitation à la violence pourrait justifier une interdiction d’expression, ce qui n’est pas le cas selon lui. « Décortiquer le processus électoral, c’est un devoir. Il est inconcevable de nous faire taire », martèle-t-il. L’UPRONA a d’ores et déjà introduit un recours auprès de la Cour constitutionnelle.
Gaspard Kobako : « Une dérive totalitaire »
Du côté de l’Alliance nationale pour la démocratie (AND-Intadohoka), son président Gaspard Kobako va plus loin. Il qualifie la posture du ministère de « dérive totalitaire » et appelle à un sursaut démocratique. « Nous ne voulons pas d’un parti unique. Le ministre sait bien que les Burundais refusent cette voie », tranche-t-il.
Selon lui, le score obtenu par le CNDD-FDD — 100 % des sièges — est tout simplement « stalinien ». Il évoque un « vol honteux », effectué au su et au vu de tous. Plutôt que de se lancer dans une bataille judiciaire, son parti a préféré transmettre des recommandations à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et à la Cour constitutionnelle pour demander l’annulation des résultats.
Kobako réclame la convocation d’une réunion spéciale regroupant les acteurs du processus électoral pour présenter leurs preuves dans un cadre sécurisé et sans intimidation.
Le CNL fustige une atteinte grave au pluralism
Le parti CNL, dirigé par Nestor Girukwishaka, dénonce lui aussi une violation flagrante de la Constitution. Sur son compte officiel, le parti écrit : « Interdire aux partis d’informer et de critiquer revient à enterrer le pluralisme politique chèrement acquis ». Le CNL affirme avoir saisi la Cour constitutionnelle et les commissions électorales provinciales pour demander l’annulation du scrutin du 5 juin.
Face à la montée des tensions, NEVA, le président de la République appelle à la retenue. Se félicitant des résultats de son parti, il assure cependant vouloir rester à l’écoute des partis d’opposition. Il leur demande de faire preuve de patience et de sérénité, promettant que leurs recours seront examinés conformément à la loi.
Un message que les partis contestataires accueillent avec prudence. Ils insistent sur la nécessité de garantir un espace d’expression politique libre, condition sine qua non pour la légitimité du processus électoral.
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« Lu pour vous » d’après l’article source du Journal Iwacu Burundi : https://www.iwacu-burundi.org/elections-2025-lopposition-conteste-le-muselement-impose-par-le-ministre-de-linterieur/