Covid-19 : quand le silence des autorités burundaises inquiète à nouveau

Une vive inquiétude monte dans la capitale économique du Burundi, alors que des cas présentant des symptômes sévères de type respiratoire seraient signalés dans plusieurs hôpitaux. Le président de l’Assemblée nationale, Daniel Gélase Ndabirabe, a lancé une alerte publique, évoquant un possible retour du Covid-19, cinq ans après une première vague qui avait durement éprouvé le pays et laissé de profondes cicatrices.

 

Prenant la parole lors d’une séance parlementaire mardi 17 juin, Ndabirabe s’est dit préoccupé par l’évolution de la situation sanitaire dans certaines structures médicales de Bujumbura.

 

Selon ses propos, les symptômes observés seraient différents de ceux du passé, mais entraîneraient une dégradation rapide de l’état des malades. « J’ai visité moi-même des hôpitaux, et on m’a confirmé que le Covid-19 est revenu. Les signes sont plus virulents, plus dangereux », a-t-il déclaré devant des députés partagés entre surprise et hésitation.

 

Il a appelé la population et les responsables publics à reprendre les précautions élémentaires : hygiène rigoureuse des mains, désinfection des espaces communs, et arrêt des contacts physiques. « Restons vigilants, cette pandémie ne nous a pas quittés. Chacun doit prendre ses responsabilités », a-t-il insisté.

 

En dépit de la gravité du message, le ministère de la Santé publique n’a, à ce jour, émis aucune déclaration officielle. Cette absence de communication ravive de vives tensions dans l’opinion, nourries par le souvenir douloureux de l’année 2020, marquée par un refus de reconnaître la menace du virus et par la disparition brutale du chef de l’État d’alors.

 

Le pays avait à l’époque annoncé ses premiers cas fin mars 2020, bien après la majorité des pays du continent. Les autorités avaient alors affirmé que le Burundi bénéficiait d’une protection divine, maintenant les lieux de culte ouverts et refusant toute mesure restrictive. L’enjeu politique des élections prévues en mai de la même année pesait lourdement dans cette posture officielle.

 

Ce contexte avait mené à l’expulsion controversée de plusieurs experts de l’OMS, accusés d’intervenir abusivement dans les affaires internes. Sans dépistage massif ni politique sanitaire claire, la pandémie s’était développée sans réel contrôle.

 

Quelques mois plus tard, en juin 2020, le président Pierre Nkurunziza décédait officiellement d’un arrêt cardiaque. Toutefois, plusieurs sources, tant locales qu’internationales, avaient évoqué une infection au Covid-19, une hypothèse jamais reconnue par les autorités. Parallèlement, son épouse Denise Bucumi Nkurunziza avait été transférée en urgence à Nairobi, gravement atteinte par le virus, selon des informations concordantes.

 

Son successeur, Évariste Ndayishimiye, avait tenté un changement de ton en désignant le virus comme un « ennemi public », mais sans engager une réponse sanitaire de grande ampleur. Ni confinement général, ni campagne vaccinale ambitieuse n’avaient vu le jour, et les références spirituelles continuaient de dominer le discours officiel.

 

Aujourd’hui, les propos de Ndabirabe résonnent dans un climat de doute. Plusieurs médecins de la capitale feraient état, de manière informelle, d’un afflux de patients souffrant de troubles respiratoires sérieux. Aucune de ces alertes n’a toutefois été confirmée par les autorités compétentes. Cette absence de transparence fait craindre à certains élus un retour aux erreurs passées. « Si le problème est réel, le ministère ne peut pas se taire. Nous devons éviter une nouvelle gestion dans l’ombre », confie un parlementaire du parti au pouvoir, sous couvert d’anonymat.

 

Dans une société encore marquée par la perte soudaine d’un président et par une communication officielle jugée lacunaire, cette situation réveille un malaise profond. Cinq ans après, les fantômes du passé ne semblent pas avoir quitté le pays. Le virus, bien plus qu’un enjeu de santé publique, demeure un rappel douloureux des conséquences d’un silence d’État.