Burundi : Quitte à avoir sacrifié tout un peuple pour des élections !

Évariste Ndayishimiye n’a reculé devant rien. Le pouvoir a tout misé sur une logique implacable : la survie du citoyen burundais ne tenait plus qu’à une seule chose — son vote. Lors de la dernière période électorale, tous les droits, sauf celui de respirer, furent conditionnés par l’enrôlement sur les listes électorales. Une exigence sans fondement légal, jamais discutée ni votée par l’Assemblée nationale.

 

Fallait-il vraiment infliger un nouveau calvaire à un peuple déjà brisé ? Telle était la question que se posaient beaucoup de Burundais à l’époque, et que beaucoup continuent de poser aujourd’hui.

 

Dans les démocraties solides, le vote est certes un devoir civique, mais jamais une condition de survie. Au Burundi, pourtant, il fallait une carte d’enrôlement pour espérer accéder à l’eau, aux soins, aux denrées rares — bref, à la vie. Une manière déguisée de dire : vote ou crève.

 

Le chantage à la carte d’électeur

 

Au plus fort de la crise, dans un pays où l’eau manquait malgré neuf mois de pluie sur douze, où le carburant et les biens de première nécessité étaient devenus quasi inexistants, le gouvernement a exigé que chaque citoyen montre sa carte d’enrôlement pour pouvoir simplement vivre. Une carte qui, dans les faits, s’est transformée en passeport pour ne pas mourir de faim ou de maladie.

 

Ce diktat, appliqué à la lettre par une administration zélée et les miliciens du parti au pouvoir, les Imbonerakure, a donné lieu à toutes les dérives : interdiction d’accéder aux fontaines publiques, barrages aux structures de santé, interdictions d’achat dans les marchés, humiliations et violences arbitraires. Une machine de contrôle social impitoyable, camouflée derrière l’organisation d’un scrutin que beaucoup jugent aujourd’hui illégitime.

 

Des élections déjà perdues d’avance

 

La réalité, c’est qu’au moment où l’on poussait le peuple à voter, le résultat semblait déjà écrit. Une Commission électorale entièrement aux ordres du CNDD-FDD, un espace politique verrouillé, une opposition réduite au silence ou à l’exil, une société civile muselée… Autant d’éléments qui ont vidé le scrutin de toute crédibilité.

 

Évariste Ndayishimiye n’a jamais caché sa vision : pour lui, le CNDD-FDD n’est pas un parti, mais un État. Dès lors, la compétition électorale n’était qu’un simulacre, destiné à légitimer un pouvoir sans partage.

 

Une faim de pouvoir contre la faim du people

 

Pendant que le régime orchestré ses manœuvres électorales, le Burundi sombrait davantage dans la crise : pénuries de carburant, effondrement du secteur agricole, envolée des prix, corruption endémique… Rien n’a été épargné à un peuple classé comme le plus affamé du monde, selon plusieurs rapports internationaux.

 

Face à cette misère, la seule réponse du pouvoir a été la contrainte, la menace, la répression. Ceux qui n’avaient plus rien à perdre furent sommés de donner leur voix à ceux qui leur avaient déjà tout pris.

 

Deux gifles diplomatiques

 

À cette époque, le régime avait essuyé deux désaveux majeurs : d’abord, la reconduction du mandat du rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains au Burundi, malgré les protestations de Gitega ; ensuite, le renouvellement des sanctions de l’Union européenne. Deux rappels cinglants de l’isolement du régime sur la scène internationale. Deux blessures que le pouvoir a tenté de panser en se repliant davantage sur une logique autoritaire.

 

Un scrutin de la honte

 

Des voix courageuses se sont levées pour dénoncer cette mascarade électorale. Des formations comme la Coalition pour la Renaissance de la Nation (CRN) ou le Mouvement pour l’Action Patriotique (MAP) ont dénoncé un scrutin « de la honte » et exigé son annulation. En vain. Le rouleau compresseur électoral était déjà lancé, et le régime déterminé à aller jusqu’au bout.

 

Aujourd’hui, les urnes sont rangées, les résultats proclamés. Mais à quel prix ? Un peuple humilié, affamé, opprimé. Un pouvoir plus isolé que jamais. Et le parti de l’aigle qui, pour conserver le pouvoir, aura choisi de gouverner par la peur plutôt que par la légitimité.

 

« Lu pour vous » – D’après l’analyse du journaliste indépendant Franck Kaze, publiée sur SOS Médias Burundi le 1er novembre 2024.