Tandis que la population burundaise s’enlise dans une pauvreté croissante et fustige la mauvaise gouvernance du régime CNDD-FDD, un malaise inattendu éclate au sommet de l’État. À la Présidence même, le personnel administratif et technique dénonce des conditions de travail qu’il qualifie d’humiliantes et inhumaines.
Derrière l’image de discipline que veut projeter l’institution présidentielle, la réalité est toute autre. Plusieurs employés, sous couvert d’anonymat, parlent de décisions absurdes, d’un climat de peur et de pressions hiérarchiques dignes d’un autre temps.
Parmi les mesures les plus décriées : l’imposition d’uniformes obligatoires… que personne ne fournit. « On doit se débrouiller pour les faire coudre avec notre propre argent, sinon c’est la sanction », raconte un agent, amer. Une décision sans budget ni coordination, qui ne fait qu’accroître la frustration du personnel.
Le transport, lui, frôle le ridicule. Le véhicule mis à disposition serait non seulement vétuste, mais incapable de transporter tous les agents. Résultat : « Parfois, des collègues portent les femmes sur leur dos pour traverser des zones boueuses », témoigne une employée, indignée par ce qu’elle qualifie de « régression honteuse ».
Mais dans les couloirs de Ntare Rushatsi House, le silence est de rigueur. Toute plainte est vue comme une rébellion, les syndicats restent muets et les supérieurs hiérarchiques ferment les yeux. Les affectations arbitraires, les heures supplémentaires non rémunérées, l’absence totale de canaux de revendication… autant de signes d’un système verrouillé par la peur.
Certains en appellent directement à Évariste Ndayishimiye. « On entend parler de bonne gouvernance tous les jours. Mais pourquoi ne pas commencer par balayer devant sa propre porte ? » lance un fonctionnaire à bout.
Aucune réponse officielle n’a été émise à ce jour. Mais ce cri venu du cœur du pouvoir illustre un paradoxe de plus en plus criant : pendant que les citoyens ploient sous la crise, ceux qui servent l’État vivent eux aussi dans l’humiliation et le silence.