La société civile s’indigne d’un événement controversé sur les massacres de 1972 à l’ONU

La tenue d’un événement organisé par l’ambassade du Burundi aux États-Unis, ce mercredi 25 juin au siège des Nations Unies, continue de faire des remous. Intitulée « Le génocide de 1972 contre les Burundais de l’ethnie Hutu », cette rencontre soutenue par la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a été vivement dénoncée par une coalition de vingt organisations indépendantes de la société civile burundaise.

 

Dans une déclaration conjointe publiée deux jours avant l’événement, ces organisations dénoncent ce qu’elles qualifient de « manipulation politique de l’histoire » et s’alarment de la légitimation, au sein même des Nations Unies, d’une lecture « unilatérale, sélective et dangereusement partisane » du passé burundais.

 

Une mémoire instrumentalisée

 

Pour les signataires, la CVR, censée œuvrer à la réconciliation nationale, est devenue, depuis la crise politique de 2015, « un outil au service du pouvoir en place ». Elles accusent la commission de mener un travail de mémoire partial, concentré presque exclusivement sur les victimes hutu des événements de 1972, tout en négligeant d’autres périodes douloureuses de l’histoire nationale, telles que celles de 1965, 1988, 1993 ou encore 2015, qui ont également endeuillé des citoyens de toutes les communautés.

 

La déclaration insiste : « La reconnaissance d’un génocide doit se fonder sur une analyse rigoureuse, impartiale et conforme au droit international. Or, aucune instance compétente n’a, à ce jour, reconnu les massacres de 1972 comme un génocide au sens de la Convention de 1948. »

 

Une démarche jugée contre-productive pour la paix

 

Les organisations craignent que cette initiative ne creuse davantage les fractures identitaires au Burundi, au lieu de favoriser la cohésion sociale et le processus de justice transitionnelle. Elles jugent que l’événement renforce une version sélective de l’histoire, loin d’un effort de vérité et de réparation authentique.

 

Elles s’inquiètent également du silence des Nations Unies, qu’elles perçoivent comme une absence de vigilance face à une possible instrumentalisation de leur tribune. Ce silence, estiment-elles, compromet la crédibilité des mécanismes onusiens censés prévenir les atrocités de masse.

 

Des appels à une action internationale équilibrée

 

Dans leur déclaration, les vingt organisations appellent à la réactivation de la résolution S/1996/682 du Conseil de sécurité, afin d’établir une commission internationale d’enquête impartiale sur l’ensemble des crimes commis au Burundi depuis l’indépendance. Elles réclament également que le Burundi soit replacé à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, pour un suivi rigoureux de la crise politique et des violations des droits humains persistantes.

 

L’appel est clair : « La mémoire nationale ne peut être l’otage d’un récit unique dicté par les intérêts du pouvoir. Elle doit être partagée, plurielle, et orientée vers une réconciliation sincère. »

 

En 2021 déjà, le Rapporteur spécial des Nations Unies, Fabián Salvioli, avait pointé du doigt les limites du travail de la CVR, critiquée pour s’être focalisée quasi exclusivement sur les fosses communes liées à 1972, en négligeant les voix des victimes tutsi et d’autres violences plus récentes.

 

Un enjeu de vérité, de justice et d’avenir

 

Alors que le Burundi peine encore à sortir des séquelles de ses multiples crises, les voix de la société civile rappellent que toute entreprise de réconciliation durable passe par une approche honnête, inclusive et équilibrée de son passé. Elles appellent la communauté internationale à faire preuve de discernement, et à ne pas cautionner, même indirectement, des initiatives perçues comme partisanes.

 

À l’heure où le pays tente, tant bien que mal, de panser ses plaies, cette controverse soulève une fois de plus la question centrale : comment bâtir une paix durable sans trahir la vérité ?