Dans la colline Gahwazi, au cœur de la commune Mpanda, la colère gronde à voix basse. Elle ne se traduit pas encore par des explosions de violence, mais s’accumule, alimentée par le sentiment d’être ignoré et abandonné. Les habitants dénoncent un silence qui, selon eux, relève d’un mépris du leadership face aux difficultés du quotidien et aux crises persistantes.
Un habitant, qui a préféré garder l’anonymat, ne cache pas son amertume. Il se souvient de 2006, lorsque les soins destinés aux enfants de moins de cinq ans étaient gratuits.
« Aujourd’hui, on doit tout payer, raconte-t-il. Même dans les centres de santé, on nous renvoie vers les pharmacies privées, où les prix sont inabordables. »
Dans sa voix, la nostalgie se mêle à l’indignation, celle d’un citoyen qui croyait à une promesse devenue lettre morte.
La même amertume traverse les propos d’Albert Ndayizeye. Lui ne comprend pas pourquoi la gratuité proclamée de l’école primaire se traduit sur le terrain par des frais obligatoires.
« Pour inscrire un enfant, il faut sortir entre 15 000 et 20 000 francs burundais. Des réunions se tiennent, mais rien ne change. À quoi sert le ministre de l’Éducation s’il n’applique pas les décisions du gouvernement ? » demande-t-il, comme si ses mots s’adressaient à une salle vide.
Dans les discussions sur la colline, un refrain revient : l’impression que les doléances de la population ne trouvent pas d’écho.
« On a l’impression que nos autorités ne se soucient pas de nous, confie un habitant. On désespère. C’est comme si nous étions abandonnés. »
Cette impression, redoutent-ils, pourrait à terme provoquer des réactions imprévisibles : boycott des urnes, désobéissance, voire soulèvements.
Un constat que Léopold Ndayisaba, administrateur de la commune Mpanda, ne balaie pas d’un revers de main.
Il reconnaît que certaines autorités manquent de considération ou de compétences pour résoudre les problèmes des citoyens.
Et ce mutisme, dit-il, agit comme une gifle : il est perçu comme une complicité avec l’injustice.
« Ce silence nourrit la haine contre les institutions, ajoute-t-il. La confiance de la population s’effrite. »
Au-delà des paroles locales, la voix d’un expert résonne.
Emmanuel Ndikumana, spécialiste en leadership, rappelle que les défis s’accumulent sans solution claire : pénurie de carburant, coupures d’électricité, manque d’eau potable, hausse des prix alimentaires, raréfaction des engrais ou encore difficultés d’accès aux produits de base.
« Face à tout cela, les citoyens s’interrogent, s’inquiètent, s’épuisent. Le désespoir engendre des réactions imprévisibles », avertit-il, rappelant que dans d’autres pays, la frustration a parfois mené à des actes extrêmes.
Pour lui, un seul remède peut apaiser cette plaie : un leadership serviteur, empreint de courage et d’humilité.
« Dire la vérité, l’assumer, et se mettre au service du peuple, voilà ce qui libère. »
Dans son appel, une exhortation aussi aux citoyens : ne pas céder au silence, continuer à réclamer pacifiquement, garder la sagesse malgré les vents contraires.
Face à cette succession de manquements, l’opposition ne reste pas muette.
La CRN–Ingeri ya Rugamba dénonce ce qu’elle qualifie de faillite du leadership burundais, incapable d’apporter des réponses concrètes aux défis qui écrasent le quotidien des citoyens.
Pour ce mouvement, le silence des responsables est une forme de trahison, car il prive le peuple de l’écoute et de la protection auxquelles il a droit.
Dans un contexte où le désespoir grandit, la voix de l’opposition rappelle que gouverner, ce n’est pas se taire devant la souffrance, mais agir pour alléger le fardeau du Murundi.