Quand l’investissement devient un crime au Burundi

La Cour d’appel de Muha a confirmé la condamnation du docteur Christophe Sahabo à vingt ans de prison et la confiscation de tous ses biens. Cette décision, qui vise le fondateur de Kira Hospital, dépasse de loin le cadre d’un simple procès. Elle illustre la manière dont le régime en place transforme la justice en arme de prédation et en obstacle à toute perspective d’investissement durable dans un pays déjà en crise.

 

Le parcours de ce médecin ophtalmologue, formé en Suisse, était pourtant une fierté nationale.

 

Contrairement à la majorité des praticiens partis s’installer à l’étranger, il avait choisi de revenir au Burundi pour y mettre son expertise et son énergie.

 

Il avait su convaincre des bailleurs, mobiliser des capitaux et ériger un hôpital moderne qui est vite devenu une référence régionale.

 

Kira Hospital attirait même des patients venus de la République démocratique du Congo, générant des devises précieuses.

 

Mais là où le pays aurait dû soutenir un tel pionnier, c’est la convoitise et l’avidité des cercles du pouvoir qui ont pris le dessus.

 

Le procès Sahabo, marqué par l’intimidation des juges et l’arrestation de son avocate, n’a rien d’ordinaire.

 

Il s’agit avant tout d’une opération soigneusement orchestrée pour légaliser une spoliation.

 

La justice burundaise, loin d’incarner la neutralité, s’est muée en simple bras exécuteur d’intérêts privés au sommet de l’État.

 

Dans un contexte où la population souffre de pauvreté et de chômage endémiques, voir un investisseur de cette envergure réduit au silence et dépouillé de son œuvre ne peut être interprété que comme un signal catastrophique : nul capital, nul projet, nul entrepreneur n’est à l’abri lorsque le régime décide de s’en emparer.

 

Le contraste est saisissant.

 

En 2015, Pierre Nkurunziza saluait Christophe Sahabo comme un modèle.

 

Dix ans plus tard, son successeur Évariste Ndayishimiye le jette derrière les barreaux et efface tout son héritage.

 

Comment, dans ces conditions, espérer convaincre le monde de croire aux promesses d’un « Burundi ouvert aux affaires » ?

 

Le cas Sahabo restera une cicatrice durable, une preuve que les élites au pouvoir ne protègent pas les bâtisseurs, mais les sacrifient au nom de leurs propres intérêts.

 

Comme le souligne l’analyse de la CRN – Ingeri ya Rugamba, cette affaire est plus qu’une injustice individuelle : elle est le symbole de la prédation érigée en mode de gouvernance.

 

Elle révèle un système où la cupidité a pris la place de la justice et où l’intérêt collectif est sacrifié sur l’autel des ambitions d’une minorité.

 

Le Burundi ne pourra pas sortir de sa crise tant que cette logique ne sera pas brisée.

 

L’heure n’est plus à l’indignation silencieuse, mais à un appel pressant au changement, pour que plus jamais un citoyen qui choisit d’investir dans son pays ne soit traité comme un criminel.