Le lancement officiel de la saison agricole 2025–2026, lundi 27 octobre, par le président Ndayishimiye sur la colline Rutyazo, en commune Mwaro, a voulu donner le ton d’une mobilisation nationale pour accroître la production alimentaire.
Sous le thème porteur « Inspirés par la vision nationale, unissons-nous pour accroître la production alimentaire », le chef de l’État a exhorté les Burundais à cultiver chaque parcelle de terre disponible pour atteindre l’autosuffisance.
Pourtant, sur le terrain, les cultivateurs peinent à partager cet optimisme : le manque d’engrais compromet sérieusement le démarrage de la campagne agricole.
Le président Ndayishimiye a usé d’un langage martial pour galvaniser les acteurs du secteur : il a comparé la lutte contre la pauvreté à une bataille où les moniteurs agricoles seraient les « officiers » guidant les producteurs sur le « champ de bataille ».
Dans cet esprit, il a insisté sur la nécessité d’un engagement collectif et d’un encadrement rapproché des agriculteurs.
Mais si la rhétorique présidentielle prône la discipline et la rigueur, les réalités paysannes révèlent une tout autre histoire.
Selon les témoignages recueillis par la Radio Publique Africaine, plusieurs cultivateurs de diverses régions, notamment à Muyinga dans la province de Buhumuza et à Shombo en province de Gitega, dénoncent l’absence d’engrais malgré leurs paiements anticipés.
Certains assurent n’avoir reçu qu’une quantité infime de fertilisants, insuffisante pour répondre à leurs besoins. D’autres, faute de mieux, ont déjà semé le maïs et les haricots sans apport nutritif, au risque de récoltes maigres.
« Nous avons payé pour les fertilisants, mais rien ne nous a été livré. Nous risquons de perdre nos semences », confient-ils, inquiets de voir la saison leur échapper.
Cette situation révèle les failles persistantes dans la chaîne d’approvisionnement agricole.
En zone Nyabikere, par exemple, une distribution limitée d’engrais a eu lieu, mais seuls quelques privilégiés en ont bénéficié, rapporte la RPA.
De nombreux cultivateurs restent donc dans l’attente, alors que le calendrier des semailles est déjà largement entamé.
Face à ces dysfonctionnements, Faustin Ndikumana, président de l’organisation PARCEM (Paroles et actions pour le réveil des consciences et le changement des mentalités), plaide pour une refonte en profondeur de la politique agricole.
Il invite les autorités à renforcer la formation technique des acteurs du secteur, à garantir une distribution suffisante et équitable d’engrais, et à mieux structurer les coopératives.
« C’est un paradoxe qu’un pays qui consacre un budget conséquent à l’agriculture connaisse encore de telles pénuries », déplore-t-il, soulignant l’importance stratégique du secteur pour l’économie nationale.
Alors que le président appelle à « ne plus dépendre du marché pour se nourrir », le décalage entre les ambitions gouvernementales et les réalités des champs reste frappant.
Si l’autosuffisance alimentaire demeure un objectif légitime et vital, elle ne pourra être atteinte sans résoudre les problèmes structurels qui minent la production : manque d’intrants, lenteur administrative, et gestion défaillante des ressources.
L’élan présidentiel pour une union nationale autour de la terre se heurte ainsi à une contrainte bien concrète : sans engrais, les discours de mobilisation risquent de rester lettre morte.
L’avenir de cette saison agricole dépendra moins des slogans que de la capacité des institutions à répondre, dans l’urgence, aux besoins réels des cultivateurs — ces véritables « soldats » du quotidien dont la survie et celle du pays reposent sur la fertilité des sols, souligne la Coalition pour la Renaissance de la Nation, CRN – Ingeri ya Rugamba.

