Sept ans après les grandes promesses du « miracle minier », le Burundi attend toujours les retombées économiques de ses richesses enfouies. Ce qui devait être un tremplin vers la prospérité nationale s’est transformé, selon l’économiste burundais André Nikwigize, en « une vache à lait pour les dirigeants du système, et, probablement, une malédiction pour les populations ».
Le 21 juillet 2017, l’ancien président Pierre Nkurunziza inaugurait en grande pompe, dans la commune de Mutambu, la première mine de terres rares exploitée en Afrique par la société mixte Rainbow Burundi Mining (RBM).
Le projet devait marquer un tournant historique. Le chef de l’État promettait alors aux habitants de la province de Bujumbura-Rural routes asphaltées, eau potable, électricité et emplois.
« Le Burundi voulait faire du secteur minier un tremplin de développement », rappelle André Nikwigize. « Ces terres rares, parmi les plus importantes au monde, devaient permettre un développement extraordinaire du pays. »
Les prévisions tablaient sur une production annuelle de 5.000 tonnes à partir de 2018.
Mais, sept ans plus tard, le constat est amer. Le Trésor public n’a « toujours rien encaissé » des recettes issues de ces terres rares. À Mutambu, aucune route n’a été asphaltée, aucun réseau électrique étendu, et l’eau potable reste un rêve lointain. Pire encore, les populations locales dénoncent des « pertes, notamment des destructions de champs et de maisons, sans aucune indemnisation ».
Selon Nikwigize, « durant deux ans, la société RBM aurait fait croire au gouvernement qu’elle n’avait vendu que 2.000 tonnes par an, au prix de 2 dollars le kilo. C’est choquant ! »
Suspensions, espoirs et opacité
À son arrivée au pouvoir en juin 2020, le président Évariste Ndayishimiye avait promis de « nettoyer » le secteur. Il ordonna la suspension de toutes les activités d’extraction minière, en attendant la renégociation des contrats. Mais, note Nikwigize, « depuis cette annonce, aucun signe n’est venu prouver une véritable reprise transparente ».
Pendant ce temps, l’exploitation de l’or, du coltan et de la cassitérite s’est poursuivie dans l’ombre, « par des opérateurs souvent anonymes, avec des recettes d’exportation non déclarées à la Banque Centrale ».
Pour l’économiste, le silence des autorités s’apparente à une forme de complicité : « Les autorités nationales sont restées silencieuses, ou complices, sur ces cas de fuite de capitaux. »
Des promesses à répétition
En juillet 2024, lors d’une visite à Busoni, le président Ndayishimiye avait annoncé la « redécouverte » de 12 millions de tonnes de cassitérite.
Enthousiaste, il déclarait : « Jusqu’à la fin du monde, les Burundais mangeront à leur faim. »
Mais pour Nikwigize, cette déclaration relève plus de la mise en scène que de la réalité économique : « Ces gisements étaient connus depuis longtemps. Les études existent. Rien de nouveau sous le soleil. »
Et en octobre 2025, le chef de l’État est réapparu escortant des camions remplis de minerais destinés à l’exportation — une opération de communication qui a suscité perplexité et scepticisme.
« Est-il de la responsabilité d’un chef d’État d’accompagner des camions appartenant à des privés, sous prétexte de transparence ? », interroge Nikwigize.
« Où sont les mécanismes de vérification ? Quid des exportations frauduleuses passées ? »
Le rêve minier, une illusion dangereuse ?
Alors que la population burundaise subit une pauvreté persistante, la hausse du coût de la vie et la dégradation de l’environnement, les promesses minières semblent désormais relever du mirage.
« Aucun Burundais ne croit plus à ces déclarations trompeuses », constate l’économiste. « On se demande si ces minerais ne risquent pas de creuser davantage la pauvreté, avec les expropriations de terres, les hausses de prix et les violences liées à l’exploitation. »
« Très peu de pays se sont développés grâce aux minerais. Avec une si faible gouvernance politique et économique, il serait difficile de croire au miracle minier au Burundi, » conclut-il avec amertume.
Retrouvez l’intégralité de l’analyse d’André Nikwigize dans son tweet publié sur X : Les promesses du miracle minier

