Quand l’eau manque, la santé chancelle et le leadership s’effrite

Bujumbura s’est réveillée, une fois de plus, au goût amer d’une crise que l’on aurait pu éviter. L’École Technique Secondaire de Kamenge, ETS, fleuron de la formation technique dans la capitale économique du Burundi, a fermé ses portes précipitamment après l’apparition de cas de choléra parmi ses élèves.

 

Une dizaine d’entre eux ont été hospitalisés, tandis que les couloirs de l’établissement se sont vidés, laissant derrière eux une inquiétude sourde et une question lancinante : comment un tel drame peut-il encore survenir en 2025 ?

 

Le scénario semble tristement familier.

 

Des élèves souffrant de diarrhées aiguës et de vomissements, des ambulances qui se succèdent, des équipes d’hygiénistes pulvérisant des dortoirs.

 

Le tout sur fond de consignes de prudence et d’un discours officiel se voulant rassurant.

 

Mais sous le vernis des communiqués, se dessine une réalité plus âpre : le choléra, cette maladie du manque d’eau et de l’insalubrité, s’invite là où la gouvernance vacille.

 

L’école, qui abrite plus d’un millier d’élèves, vit depuis longtemps au rythme irrégulier d’un robinet capricieux. L’eau, cette ressource élémentaire, n’y coule que quelques heures au cœur de la nuit, contraignant les élèves à se lever avant l’aube pour remplir des bidons.

 

Dans un pays où le soleil se lève tôt, la dignité semble devoir se puiser dans les ténèbres.

 

« Ceux qui dorment trop tard restent sans se laver », confie un élève, avec la lassitude d’un jeune déjà vieilli par l’effort.

 

Derrière ces gestes du quotidien, se lit le symptôme d’une défaillance plus profonde : celle d’un système où l’accès à l’eau potable, pourtant droit fondamental, demeure un privilège intermittent.

 

Certains évoquent même des actes de sabotage, dans un contexte de tensions internes à l’établissement et de querelles identitaires attisées par les réseaux sociaux.

 

Si ces allégations restent à vérifier, elles en disent long sur la fragilité du tissu social et sur la facilité avec laquelle la désinformation creuse les fossés là où l’urgence sanitaire devrait unir.

 

Le choléra devient alors plus qu’une maladie : un révélateur. Il met à nu non seulement les carences d’un réseau d’eau, mais aussi celles d’un leadership incapable d’anticiper, de protéger et de rassembler, souligne la Coalition pour la Renaissance de la Nation, CRN – Ingeri ya Rugamba.

 

Depuis le début de l’année, plus de deux mille cas ont été enregistrés à travers le pays. Des chiffres qui, d’année en année, se répètent comme un refrain macabre.

 

Chaque flambée épidémique déclenche le même ballet : des mesures d’urgence, des équipes d’hygiène déployées, des notes ministérielles en cascade.

 

Mais derrière la rhétorique administrative, la prévention reste un vœu pieux. Car sans eau, sans infrastructures, sans volonté politique soutenue, les gestes d’hygiène relèvent du discours plus que du quotidien.

 

À Kamenge, la fermeture de l’école n’est pas seulement une mesure sanitaire, c’est une leçon de gouvernance. Elle rappelle qu’un pays ne se bâtit pas sur des slogans, mais sur des robinets qui coulent, des latrines entretenues, des dirigeants qui prévoient.

 

Le choléra n’est pas une fatalité : c’est un miroir. Et dans ce miroir, ce n’est pas seulement l’image d’une école que l’on aperçoit, mais celle d’un État qui peine à fournir à sa jeunesse les conditions élémentaires de la vie et de l’apprentissage.

 

Peut-être est-il temps, enfin, que le leadership cesse de se contenter d’éteindre les incendies pour s’atteler à réparer les conduites. Car dans chaque goutte d’eau perdue se reflète un peu de la confiance d’un peuple qui s’assèche.