L’Economie du Burundi risque d’être asphyxiée, à la suite des tensions post-électorales en Tanzanie

Le Burundi, pays enclavé (sans accès à la mer), dépendant du seul port de Dar-es-Salaam pour le transit de ses importations et exportations, risque l’asphyxie économique a la suite des tensions politiques post-électorales en République-Unie de Tanzanie. Le transport international du Burundi a toujours été fonction de la situation politique dans les pays de transit, et chaque fois qu’un pays en transit se trouve en difficultés politiques ou économiques, l’économie en accuse le choc.

 

Cela fut le cas, par exemple, en 1978/1979. Durant la guerre que la Tanzanie avait engagée contre le pouvoir d’Idi Amin Dada, d’Ouganda. Le port de Dar-es-Salaam fut perturbé, et le Gouvernement du Burundi dut faire changer le port de transit vers le port de Mombasa. Mais, aujourd’hui, avec la situation en Tanzanie, le Burundi n’a pas d’alternatives, la voie du Nord, par le port de Mombasa ayant été fermée par la décision de fermeture des frontières avec le Rwanda, depuis janvier 2024, tandis que la voie du Sud, par le lac Tanganyika, n’étant pas opérationnelle.

 

Le Port de Dar-es-Salaam revêt une importance stratégique pour l’Afrique de l’Est

 

La position géographique du port de Dar-es-Salaam offre un accès vital aux marchés mondiaux pour des pays tels que le Rwanda, le Burundi et les régions orientales de la République Démocratique du Congo. Cependant, des marchés secondaires desservis par l’installation incluent certaines parties de l’Ouganda, de la Zambie et du Malawi, ce qui fait que l’impact de la fermeture dépasse largement les frontières tanzaniennes.

 

Pour le Burundi, la Tanzanie occupe une place centrale dans l’architecture commerciale. Le port de Dar-es-Salaam et le corridor central constituent les principales voies d’accès du Burundi aux marchés internationaux. Les tensions post‑électorales en Tanzanie, marquées par des contestations politiques et des perturbations institutionnelles, ont des répercussions directes sur la fluidité des échanges commerciaux régionaux.

 

Vulnérabilité structurelle du Burundi

 

Pays enclavé, le Burundi ne dispose d’aucun accès maritime direct et dépend fortement des infrastructures tanzaniennes et kenyanes (fermées actuellement). La voie appelée « Corridor Central », consistant dans la route et chemin de fer reliant Dar es Salaam à Kigoma puis au Burundi, essentiel pour les importations de carburant, engrais, biens de consommation et exportations de café et thé. Dans ce contexte, le Burundi est très vulnérable à toute instabilité en Tanzanie, qui se traduit par des retards, une congestion portuaire, un ralentissement douanier, une hausse des coûts et une fragilisation des chaînes logistiques.

 

Compte tenu de ces difficultés, liées aux tensions post-électorales en Tanzanie, les importations et les exportations, à destination et en provenance du Burundi seront affectées. Pour les importations, il s’agira : des intrants agricoles, du carburant, des médicaments, des matériaux de construction, des biens de production. Non seulement, il y aura la rareté de ces produits, due aux difficultés d’approvisionnement, mais, également, lorsque ces produits arriveront à destination au Burundi, ils seront chers. Pour les exportations, les principaux produits exportés, à savoir : le café, le thé, les minerais, et autres. L’embarquement sur le port de Dar-es-Salaam sera difficile et ces produits connaitront des retards d’acheminement vers les marchés internationaux, avec un impact sur la confiance des acheteurs, et, probablement, sur les prix d’achat de ces produits. Cette perturbation aura un impact sur la disponibilité des devises étrangères.

 

Engrais. L’importance que revêtent les engrais pour la production agricole au Burundi n’est plus a démontrer.  Par conséquent, les perturbations en Tanzanie auront un impact les producteurs au Burundi, car ces perturbations coïncident la période de cultures. Les analyses de marché ont montré que les importations de soufre avaient augmenté de manière spectaculaire en 2025, avec des volumes cumulés en octobre atteignant des niveaux sans précédent. La hausse de près de 50 % par rapport à l’année précédente reflète la demande croissante en intrants agricoles dans la région.

 

La confirmation, par C Steinweg, que les installations resteraient fermées jusqu’à fin octobre a directement affecté les opérations de stockage et de logistique des engrais. La déclaration de l’entreprise, rapportée par Argus Media, le 30 octobre 2025, a souligné l’arrêt complet des mouvements de cargaisons, tant à l’entrée qu’à la sortie du complexe portuaire. Cette perturbation a entraîné des effets en cascade dans les chaînes d’approvisionnement agricoles régionales, pouvant affecter les saisons de plantation et la planification de la production agricole dans plusieurs pays dépendant des matériaux importés pour les engrais, y compris le Burundi.

 

Carburant. Les importations de produits pétroliers vont être immédiatement perturbées, créant des risques de pénurie, tant pour la consommation domestique que pour les réseaux de distribution régionaux. Le port sert habituellement de point d’entrée critique pour les approvisionnements en carburant destinés aux pays enclavés de la région, dont le Burundi.

 

Les préoccupations liées à la sécurité énergétique se sont accrues à mesure que la fermeture se prolongeait, en particulier compte tenu du rôle de l’installation dans les schémas de distribution régionaux de carburant. Les pays sans accès maritime direct dépendent fortement des réseaux de transport terrestre qui partent des terminaux pétroliers de Dar es Salaam.

 

Implications pour l’approvisionnement énergétique seront notamment :

 

  • Retards d’importations de produits pétroliers pour la consommation domestique
  • Perturbation de la distribution de carburant vers les marchés régionaux enclavés
  • Pression accrue sur les itinéraires alternatifs via d’autres pays
  • Volatilité potentielle des prix sur les marchés énergétiques régionaux

 

Le Burundi dispose-t-il de voies alternatives pour l’importation et l’exportation de ses produits ?   

 

Pour les produits énergétiques, pour les pays de la sous-région de l’Afrique de l’Est, le recours à des itinéraires alternatifs via des installations au Kenya et en Afrique du Sud est devenu nécessaire, malgré qu’elle a engendré des complications logistiques supplémentaires et une hausse des coûts de transport des approvisionnements énergétiques. De plus, la dynamique du marché pétrolier ajoute une complexité supplémentaire aux prévisions de prix en période de telles perturbations.

 

Malheureusement, le Burundi ne dispose pas d’alternatives pour l’importation, aussi bien des engrais que du carburant. D’une part, la voie du Nord, a partir du port de Mombasa est fermé à cause de la fermeture des frontières avec le Rwanda, l’un des pays de transit du Burundi, d’autre part, la voie du Sud, via le port de Mpulungu et le Lac Tanganyika, n’a jamais été explorée.

 

En conclusion, il est évident que les tensions post‑électorales en Tanzanie révèlent la fragilité des économies enclavées, comme le Burundi, dépendantes d’un seul axe logistique. Elles soulignent l’urgence d’une stratégie régionale de diversification des corridors et d’une diplomatie économique active pour réduire les vulnérabilités structurelles. La stabilité politique en Tanzanie demeure ainsi un facteur déterminant pour la sécurité économique du Burundi et, plus largement, pour l’intégration régionale en Afrique de l’Est.

 

Le Gouvernement du Burundi ne parle pas de ces perturbations, qui renforcent la vulnérabilité économique d’un pays enclavé face a la situation politique des pays de transit, et la nécessité de diversifier les voies d’acheminement. Il s’avère, néanmoins qu’il y a urgence a ce que le Burundi reprenne les discussions avec le Rwanda, en vue de la réouverture des frontières, et faciliter l’acheminement des marchandises. Sinon, il ne reste qu’a souhaiter que les tensions se calment en Tanzanie, et que la fluidité des embarquements et débarquements au port de Dar-es-Salaam soit restaurée.

 

Auteur: André Nikwigize – Analyse